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Points de vue

Loi de 2004, 20 ans après : assurer un système d’enseignement public laïque de qualité pour tous et toutes

Rédigé par Nicolas Cadène | Jeudi 21 Mars 2024 à 11:25

           


© Pexels/Yan Krukau
© Pexels/Yan Krukau
Avant toute chose, il paraît utile de situer la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l'école dans le paysage juridique laïque. La laïcité, via la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, conduit à l’application du principe de neutralité à toutes celles et tous ceux qui représentent l’administration publique, neutre et impartiale vis-à-vis des citoyens, et exercent alors une mission de service public. En revanche, la laïcité ne suppose pas la neutralité des usagers qui, eux, voient ce principe leur garantir la liberté de manifester leurs convictions dans la limite où il n’y a aucune perturbation du service public.

Depuis la loi du 15 mars 2004, il y a cependant le cas particulier des élèves des établissements scolaires primaires et secondaires publics qui doit être précisé : ces derniers ne sont pas soumis au principe de neutralité et, en ce sens, ne sont pas en contradiction avec l’esprit de la loi de 1905. Mais ils sont néanmoins des usagers soumis à un fort devoir de discrétion. En effet, ces élèves des écoles, collèges et lycées publics ne peuvent pas manifester ostensiblement, par le port d’un signe ou d’une tenue, d’appartenance religieuse. Le port de tenues ou signes religieux ostensibles leur est donc interdit.

Pour le législateur de 2004, il s’agissait, dans ces espaces scolaires publics (puisque cette règle ne s’applique pas forcément dans les établissements privés), durant la phase d’acquisition des bases du savoir que constituent le primaire et le secondaire, à un âge, mineur (sauf exception), où chacun doit développer son esprit critique et se forger librement ses opinions, de préserver les enfants et adolescents de pressions qu’ils pourraient subir pour porter tel ou tel signe, et d’éviter les conflits entre celles et ceux qui les porteraient et celles et ceux qui ne les porteraient pas.

Cibler les comportements plutôt que la seule apparence

Cette mesure n’est pas si aisée dans son application et Jean Baubérot en avait parlé dans le cadre de la Commission Stasi, en amont de la loi. Il faut, pour ce faire, s’en tenir au fait qu’une tenue ou un signe religieux ostensible est celle ou celui qui ne peut être porté-e communément par n’importe qui et qui marque directement une appartenance visible de tous. S’il y a hésitation, c’est au comportement qu’il faut s’attacher. La concentration sur la visibilité, notons-le, a d’ailleurs tendance à faire oublier des comportements, telles que des contestations de cours, pourtant de nature bien plus sérieuse.

Si la loi de 2004 peut être analysée comme s’inscrivant dans la continuité des circulaires Jean Zay de 1936 et 1937, qui interdisaient toute propagande politique, commerciale et religieuse, il reste que ces textes ciblaient bien les comportements, quand nous nous concentrons désormais sur la seule apparence. Bien sûr, celle-ci peut traduire des comportements, mais il ne faut pas s’en tenir à une analyse monolithique.

En fait, il peut être considéré que la loi du 15 mars 2004 s’est avérée nécessaire d’abord parce que, collectivement et pendant de nombreuses années et encore actuellement, nous avons laissé se développer une homogénéisation des publics dans l’habitat et dans certains établissements scolaires (avec un secteur privé sous contrat qui ne prend pas sa part et à qui, trop souvent, les autorités ne demandent rien ou presque).

Cette absence flagrante de mixité sociale a pu conduire à des replis et à des pressions religieuses ou politiques, dont les raisons ont pu par ailleurs être largement expliquées par les travaux de l’Observatoire de la laïcité. Ce dernier, notamment dans son étude sur la visibilité religieuse dans l’espace public, qui, peut-être en raison de son caractère universitaire, n’avait malheureusement guère suscité d’intérêt dans la sphère médiatique ou politique… Cette étude était pourtant riche d’enseignements et d’actions à mener.

Une loi qui devrait s'accompagner d'une réelle mise en œuvre de l’enseignement laïque des faits religieux

Si la loi du 15 mars 2004 peut aussi apparaître opportune pour assurer un apprentissage dans un cadre dégagé de conditionnements sociaux, il reste qu’elle peut être également perçue comme une mesure relevant du simple fonctionnement d’établissement (en imposant un fort devoir de discrétion aux élèves), sans traiter les problématiques de fond. Cette loi devrait donc, encore aujourd’hui, s’accompagner d’actions fortes sur les problématiques sous-jacentes pour, notamment, assurer un système d’enseignement public laïque de qualité pour toutes et tous, partout sur le territoire, pour un public scolaire réellement pluriel.

Il s’agit d’accompagner d’autres actions dans l’enseignement lui-même, comme la réelle mise en œuvre de l’enseignement laïque des faits religieux, à savoir l’enseignement des faits religieux en tant que faits sociaux, sans se fonder sur la croyance mais bien sur la contextualisation, pour permettre une meilleure compréhension du monde qui nous entoure et mieux l’appréhender, en faisant tomber un certain nombre d’idées reçues du côté des croyants et des non croyants.

Nous pourrions également évoquer la nécessité de l’enseignement moral et civique qui doit se décliner, comme préconisé initialement, de façon bien plus transversale que cela a été décidé par un précédent ministre.

La laïcité doit nous permettre de penser une République qui ne doit plus faire de distinction entre ses citoyens

Il apparaît enfin nécessaire de rappeler que tous les jeunes Français doivent d’abord se sentir et s’affirmer citoyens français. Il faut donc qu’ils se sentent perçus comme tels. Or, force est de constater que ce n’est pas toujours le cas, notamment vis-à-vis des jeunes d’origine des Outre-mer, maghrébine, sub-saharienne ou asiatique.

Ce sentiment d’appartenance passe notamment par l’Education nationale et plus largement, partout, par la nécessaire diversité des mémoires. Notre pays est encore présent sur cinq continents et l’a été encore davantage par le passé. Son histoire est donc, de fait, empreinte de cultures créoles, africaines, asiatiques, maghrébine et de bien d’autres. Qui connaît pourtant des personnalités telles que l’émir Abd el-Kader, Jeanne Nardal, Đèo Văn Tri, Solange Faladé, Léopold Sédar Senghor, Sanité Bélair, ou Henry Sidambarom ? Trop peu de jeunes et de moins jeunes. Pourtant, ces personnalités, toutes d’origines et de confessions différentes, ont toutes joué un rôle important dans notre histoire.

Bien sûr, cela dépasse la loi de 2004, mais justement rappelle qu’il y a, en matière de laïcité, bien d’autres enjeux. Cela nous rappelle aussi que la laïcité nous permet de penser une République qui, dans les textes comme dans les têtes, ne doit plus faire de distinction entre ses citoyens et citoyennes, ne doit séparer aucune majorité supposée de différentes minorités notamment confessionnelles ou convictionnelles. Il n’y a, il ne doit y avoir, que des Françaises et Français à égalité de droits et de devoirs, quelles que soient leurs appartenances propres.

*****
Nicolas Cadène est juriste, ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité et cofondateur de la Vigie de la Laïcité. Celle-ci a organisé une journée d'études en mars 2024 à l'occasion des 20 ans de la loi de 2004.

Lire aussi :
Loi de 2004, 20 ans après : la tolérance, condition de la laïcité




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26.Posté par Buzz le 23/04/2024 17:45 | Alerter
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???

25.Posté par Buzz le 23/04/2024 17:45 | Alerter
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Va aller à l'Algérie faire la leçon !

24.Posté par Buzz le 23/04/2024 17:44 | Alerter
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Pourquoi?

23.Posté par Buzz le 23/04/2024 17:43 | Alerter
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Les argument contre sont pris et garantis d'exécution !

22.Posté par Buzz le 23/04/2024 11:26 | Alerter
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Civiliser avec des arriéres pensées économiques et de savoir-vive ensemble avec le Renouveau lors de ces faux printemps de la gauche et droite colonialiste !

21.Posté par Buzz le 23/04/2024 06:30 | Alerter
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Tolérance réduite !

20.Posté par Buzz le 23/04/2024 06:28 | Alerter
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Le raisonnement politique, juridique excluant, résultat de l'extension du "savoir vivre-ensemble"!

19.Posté par Buzz le 23/04/2024 05:01 | Alerter
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Vision du météque et mat!

18.Posté par Buzz le 23/04/2024 04:59 | Alerter
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Pour lutter contre le séparatisme, cachons ces signes devenus ostensibles aprés avoir été limité aux signes ostentatoires. Le raisonnement politique, juridique mensonger n'a pas de limites.

17.Posté par François CARMIGNOLA le 14/04/2024 08:07 | Alerter
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@abdoulaye, @ledaron vos dénis en forme de reproches non argumentés font un peu pitié. Qui plus est, ils semblent confirmer mon point de vue exprimé. Je ne peux donc que vous en remercier...

16.Posté par Rond LEDARON le 13/04/2024 21:13 | Alerter
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Question : qu'est ce qui peut pousser @frère François à nous exposer avec ostentation son ignorance, ses lacunes, son principe de Peter ?

15.Posté par François CARMIGNOLA le 04/04/2024 15:32 | Alerter
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Je vous ai cité ailleurs les inacceptables dérives des lois humaines causées entre autres en Egypte par ces prescriptions inacceptables qui les vérolent (le mot n'est pas trop fort).
Votre sarcastique point de vue est rigolo: comme si vous vous réjouissiez de ne pas vivre suivant la vraie loi musulmane. Et bien moi aussi !

14.Posté par Abdoulaye le 04/04/2024 12:41 | Alerter
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Salam aleykum Cheikh François. Je pense que l’ensemble des musulmans de France est ravi de vos leçons sur la punition divine liée à l’apostasie. Mais nous la connaissons tous. Quant à la punition humaine, je ne connais pas de cas en France, ni ailleurs mais je suis certain que grâce à votre sagacité vous allez nous éclairer.

13.Posté par François CARMIGNOLA le 03/04/2024 17:16 | Alerter
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Il n'est point besoin d'être Cheikh pour s'intéresser aux textes. Surtout quand ils contredisent joyeusement et sans vergogne la joyeuse et sans vergogne hypocrisie manifeste qui consiste à faire croire à une absence de contrainte en religion quand l'évidence est exactement le contraire: ceux qui mécroient et cessent de croire sont condamnés au Feu. Quant à ceux qui cessent de croire, ils sont condamnés à mort.

Naturellement le consensus sunnite est réalisé sur la question, et les 4 écoles sont d'accord. Même les chiites partagent cet avis... Alors...

Sur tous les sujets analogues, les musulmans se partagent entre ceux qui nient la sévérité des textes, faute de les avoir lu, ou de ne pas mentir; et ceux qui l'assument. Dans les deux cas, pour ne pas appliquer les prescriptions, on se réfugie dans le respect des pays mécréants qu'on habite faute de mieux (la mécréance a bon dos) ou bien on trouve des juges habiles qui les considèrent inapplicables aux cas traités, ou du moins dans leurs acceptions les plus graves, voir l'affaire Beheiri en Egypte).
Dans tous les cas, la prescription religieuse reste intacte, prête à servir. Dans certains, elle est mise en oeuvre directement et fidèlement, comme l'a fait l'Etat Islamique.
Considérer Daech comme "orthodoxe" par exemple est une opinion largement répandue en particulier dans le monde musulman et cela depuis les deux positions possibles: ceux qui soutiennent Daech en principe et ceux qui poussent à la réforme.
https://blogs.medi...  

12.Posté par Abdoulaye le 02/04/2024 23:50 | Alerter
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@ François : c’est très bien, continuez, vous allez devenir Cheikh François, vous venez de découvrir que le Coran expose clairement que le bien et le mal existent et qu’il y aura un jugement dernier, ce qui n’est pas très original, j’en conviens, c’est la même chose pour les chrétiens.. Ah et aussi vous verrez qu’il y a quatre écoles principales d’interprétation.
Et au bout du compte les musulmans disent : c’est Allah qui sait mieux… Car aucun savant ne prétend être certain de son travail intellectuel. Joyeuses Pâques

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