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Religions

Depuis la Grande Mosquée de Paris, un leadership musulman européen en construction

Rédigé par | Lundi 22 Avril 2024 à 14:55

           

Six mois après la création de l’Alliance des mosquées, associations et leaders musulmans en Europe (Ammale), celle-ci a tenu sa première réunion de conseil vendredi 19 avril à la Grande Mosquée de Paris, siège de cette nouvelle structure qui ne manque pas d'ambition pour encourager les multiples contributions citoyennes des musulmans dans les sociétés européennes.



L’Alliance des mosquées, associations et leaders musulmans en Europe (Ammale) a tenu sa première réunion de conseil vendredi 19 avril à la Grande Mosquée de Paris. De gauche à droite : Abdassamad El Yazidi, secrétaire général du Conseil supérieur des musulmans d’Allemagne, Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, Farid Hannache, secrétaire général de l’Ammale, et Khaled Yassin, coordinateur général de la Chefferie islamique en Croatie.
L’Alliance des mosquées, associations et leaders musulmans en Europe (Ammale) a tenu sa première réunion de conseil vendredi 19 avril à la Grande Mosquée de Paris. De gauche à droite : Abdassamad El Yazidi, secrétaire général du Conseil supérieur des musulmans d’Allemagne, Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, Farid Hannache, secrétaire général de l’Ammale, et Khaled Yassin, coordinateur général de la Chefferie islamique en Croatie.
La Grande Mosquée de Paris s'affirme en leader musulman européen. L'institution centenaire préside aujourd’hui aux destinées de l’Alliance des mosquées, associations et leaders musulmans en Europe (Ammale), « une nouvelle instance qui a la volonté d'unir les voix et les efforts des institutions et des personnalités musulmanes à travers l'Europe, en défendant le véritable message de l’islam contraire à toute forme d’extrémisme, et en protégeant la dignité et la citoyenneté des musulmans » selon les propos tenus vendredi 19 avril par Chems-Eddine Hafiz en conférence de presse.

Réunissant des personnalités et représentants d'institutions musulmanes de 17 pays européens, l’Ammale, qui fait référence au terme « espoir » en arabe, a officiellement été lancée le 7 octobre 2023 mais l’annonce de sa création a été totalement éclipsée par l’attaque du Hamas contre Israël. A l’heure où « le peuple palestinien subit aujourd'hui un massacre comme on n’en a jamais vu dans notre histoire contemporaine », le contexte ayant conduit à lancer la coordination est « particulièrement grave », a insisté le recteur, élu pour trois ans à la présidence de l’Ammale.

« Le manque de coordination entre les institutions musulmanes en Europe au sein de chaque pays affaiblit la portée de nos actions et de notre voix alors qu'elles sont nécessaires à l'existence harmonieuse de l'islam dans nos sociétés. Ce manque produit des espaces vides dans lesquels s'immisce et grandisse toute forme d'extrémisme », a-t-il affirmé. « Nous sommes absolument conscients de la montée de l'incompréhension, de l'intolérance et des racismes partout sur le continent par l'entremise de mouvements politiques et médiatiques que nous refusons de voir grandir. »

Une identité européenne et musulmane revendiquée avec force contre l’extrême droite

Face à ce constat, la promotion de la citoyenneté auprès des musulmans est présentée comme une des priorités majeures de l’instance, qui annonce le lancement prochain d’une campagne de participation au scrutin européen du 9 juin. « Des représentants religieux vont s'exprimer pour inciter les musulmans à assumer leur responsabilité (citoyenne) devant la menace de l'extrême droite, qui est une menace contre l'islam, contre les musulmans et contre les pays européens », a indiqué Farid Hannache, le secrétaire général de l’Ammale.

L’organisation, qui se pose aussi en héraut de la lutte contre « l’extrémisme islamiste qui a ensanglanté l'Europe à diverses occasions », a pour but de « défendre la dignité des musulmans, de veiller à leurs droits et de les protéger contre toute forme d'actes antimusulmans. Cette perspective ne peut se départir de la promotion de la citoyenneté des musulmans d'Europe à tous les niveaux » en se basant aussi « sur des principes religieux », a appuyé Chems-Eddine Hafiz. « Il est bien dit dans notre religion que chaque musulman, là où il se trouve, doit absolument s'impliquer dans la vie citoyenne. C'est un acte d'adoration. » Et de rappeler : « L'islam est tout à fait compatible dans le creuset européen puisqu’en 14 siècles, l'islam a montré sa flexibilité sans remettre en cause ses fondamentaux qui est de s'adapter dans l'espace dans lequel il évolue. »

L'Ammale ambitionne de « participer à la représentation des musulmans dans toutes les instances officielles de chaque pays », de « promouvoir le dialogue et la coexistence entre les adeptes de toutes les religions et les cultures en Europe pour un avenir beaucoup plus tolérant et plus apaisé » ou encore de « saisir éventuellement les juridictions européennes lorsque des situations discriminatoires se manifesteront ».

Une organisation avant tout religieuse, « pas une force politique »

En parallèle du volet citoyenneté, l'Ammale, en tant qu’organisation avant tout « religieuse » et non « une force politique », abordera des questions théologiques, en exploitant « la richesse intellectuelle » des membres, a signifié Chems-Eddine Hafiz. Il souhaite faire de l’Ammale une instance incitant dans chaque pays à la relance d’un « grand mouvement d’islamologie » en Europe, avec l’Allemagne en exemple.

Sur les questions d’ordre politique, l’Ammale se veut plus prudente, notamment s'agissant du conflit russo-ukrainien sur lequel « nous nous gardons d'avoir une position », a fait part Chems-Eddine Hafiz. Et pour cause : la nouvelle instance regroupe deux muftis, l’un russe, Nafigulla Ashirov, et l’autre ukrainien, Ahmed Tamim. « Moi, en tant que recteur de la Grande Mosquée de Paris, j’adhère à la position française » mais « nous gardons cette liberté que chaque pays a par rapport à ce conflit. Nous ne voulons pas aujourd'hui que le conseil, qui est tout nouveau, puisse se positionner d'une manière ou d'une autre » à ce stade pour n’exclure personne d’entrée de jeu.

« Les portes sont grandes ouvertes » mais « nous allons être extrêmement rigoureux sur l'adhésion des futurs membres » qui devront signer une charte, en cours de rédaction, « l'épine dorsale » de l'Ammale. « L’idée n’est pas de créer un clergé » compte tenu de la diversité théologique des musulmans, et les décisions seront prises « sur la base de l'istichara », la consultation, assure-t-on.

Pour avancer, il faudra d’abord « consolider les fondations de ce conseil » sur les plans organisationnel et budgétaire. A ce stade, c’est la Grande Mosquée de Paris qui se charge d’assurer entièrement la bonne marche de l’Ammale, une association de droit français qui siège à Paris. Bientôt aussi à Bruxelles ? C’est le souhait affiché d’une instance qui se rêve en interlocuteur crédible auprès des instances européennes et qui entend se donner les moyens pour se faire connaître. Elle devra probablement jouer des coudes avec le Conseil européen des leaders musulmans (EULEMA), qui existe depuis 2018, mais des membres de cette organisation ont d’ores et déjà rejoint l’Ammale, à l’image d’Abdassamad El Yazidi, secrétaire général du Conseil supérieur des musulmans d’Allemagne.

Pour Farid Hannache, « nous n'avons pas vocation à représenter tous les musulmans. (…) Nous défendons des valeurs en ne s'inscrivant pas dans un outil de communication pour d'autres États. Le seul intérêt que nous voulons faire valoir, c'est celui des Européens musulmans et des Européens en général. Nous avons un programme extrêmement ambitieux. Nous serons jugés par la sincérité et la compétence du travail que nous allons mener ».

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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