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Religions

Palestine/Israël : pourquoi les imams sont appelés à la vigilance dans leurs prêches du vendredi

Rédigé par Lina Farelli | Vendredi 27 Octobre 2023 à 11:15

           

Alors que l'offensive de l'armée israélienne dans la bande de Gaza gagne en intensité, il ne peut être demandé aux imams d'être « des experts de la géopolitique » depuis le minbar le vendredi. Alors que peuvent-ils faire, s'interrogent des fidèles ? Ils ne doivent « en aucun cas être des boucs émissaires pour soulager nos consciences ou combler nos carences », prévient le Conseil français du culte musulman (CFCM).



Palestine/Israël : pourquoi les imams sont appelés à la vigilance dans leurs prêches du vendredi
Face aux derniers développements du conflit israélo-palestinien au Proche-Orient, le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait appelé, la veille du vendredi 13 octobre, les imams et les mosquées de France à « redoubler de vigilance » dans leurs prêches.

Deux semaines après cette prise de position, il revient dessus pour expliciter sa position à l’occasion de la nouvelle grande prière hebdomadaire vendredi 27 octobre. Si le CFCM n'a pas vocation à « dicter ou censurer les imams dans le contenu de leur discours », l’instance déclare avoir « le devoir de les écouter et de les alerter face à des situations qu'il estime risquées ».

Alerte sur des discours basés sur des versets coraniques sortis de leur contexte, « de grands risques pour les imams »

« Les imams de France sont parfois la cible des politiques qui leur reprochent de s’être "mal exprimés" sur le conflit israélo-palestinien, mais aussi de certains musulmans de France qui leur reprochent de "ne pas s'exprimer assez" sur le conflit », signale le CFCM. « Les uns comme les autres ne doivent pas perdre de vue qu’il s’agit d’un sujet ultrasensible avec des enjeux complexes et épineux. Les mots prononcés par certains imams peuvent dépasser et trahir leur pensée. La prudence d’autres n’est pas synonyme d’une absence d’intérêt pour le sujet. »

Il est rappelé, en outre, que le conflit israélo-palestinien est « d’abord et avant tout politique », quand bien même « la religion y est régulièrement invitée et instrumentalisée ». A ce titre, « des discours basés sur des versets du Coran et des hadiths, sortis de leur contexte pour faire le lien direct avec la situation d'aujourd’hui, portent de grands risques pour les imams qui s’y aventurent ». Il ne peut être demandé aux imams « d’être chroniqueurs et des experts de la géopolitique » alors qu’ils sont « déjà submergés de missions diverses et variées ». « Les imams ne doivent en aucun cas être des boucs émissaires pour soulager nos consciences ou combler nos carences. »

Prêcher sans « trahir leur noble mission »

Les imams peuvent aborder le sujet « sous des angles appropriés et non polémiques avec l’intention d’aider les fidèles à s'élever, au-dessus des conflits, de l'ignorance, des émotions, des confusions et de l'agitation ambiante » mais ils n'ont « pas vocation à user de leur noble fonction pour exacerber les tensions », indique le CFCM. « Ce serait trahir leur noble mission et le but du message qu'ils doivent porter et transmettre. Il leur appartient au contraire d'appeler sans cesse à l'apaisement, à la modération, à la conciliation, au respect mutuel, à l'unité, et ce, avec la sagesse, la bonne exhortation et l'intelligence, comme le recommandent le Coran et les enseignements prophétiques. »

Ils sont ainsi appelés à élever des prières et des invocations pour le peuple palestinien « afin qu’il puisse faire face à l’injustice qui le frappe et aux terribles souffrances qu’il endure. Car, il est naturel que chacun puisse se sentir davantage concerné par la souffrance de ceux qui partagent sa foi et son histoire » comme « il en va de même pour les juifs et les chrétiens de France vis-à-vis des juifs et des chrétiens du Proche-Orient ».

Néanmoins, « à partir du moment où des atrocités sont commises, ce sentiment naturel doit laisser place à des principes universels et transcendants : défendre la justice contre la barbarie d’où qu’elle vienne, les droits humains contre les crimes de guerre, le respect du droit international contre sa violation ; œuvrer pour la résolution pacifique des conflits et briser les cycles interminables de vengeance ». Avant de conclure que « les citoyens qui veulent défendre pacifiquement cette cause sont libres de le faire dans le cadre que permet le droit de notre pays. Ils doivent le faire toujours avec le souci de sauvegarder l’unité et la paix dans notre pays pour pouvoir la promouvoir ailleurs ».

Le préfet de police Laurent Nuñez a annoncé, jeudi 26 octobre, son intention d'interdire la manifestation prévue samedi 28 octobre à Paris en soutien avec le peuple palestinien, jugeant que « les organisations qui ont déposé cette déclaration par les propos qu’elles ont pu tenir pouvaient laisser à penser qu’elles étaient quand même en soutien au Hamas ».* Quelques jours plus tôt, le rassemblement autorisé dans la capitale a réuni jusqu'à 30 000 personnes. Plus de 7 000 Palestiniens sont morts à ce jour dans la bande de Gaza.

*Mise à jour samedi 28 octobre : L'interdiction de la manifestation de solidarité envers Gaza à Paris a été confirmée, plus ici.

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