SaphirNews : D’où viennent cette envie et cette notion de respect ?
Marc Cheb Sun : L’origine qui remonte à 2001 était de donner une voix et une visibilité à toutes les composantes de la France, surtout celles absentes telles que les Français d’origine africaine, maghrébine ou asiatique. C’était également redonner de l’importance aux populations issues des quartiers dits « populaires » car elles reflètent une réalité sociale qui n’est pas toujours mise en avant dans les médias. L’idée était de parler à un large public, engagé mais pas axé seulement pour les militants. A la base du projet, il y avait l’envie de conquérir un maximum de personnes, d’où le côté « punchy » du magazine qui correspond à une génération qui se définit d’abord par ses origines et par ses pensées républicaines.
Notre but avec ce projet, c’était de décoloniser nos imaginaires et apprendre à vivre ensemble, d’où cette notion de respect.
Notre but avec ce projet, c’était de décoloniser nos imaginaires et apprendre à vivre ensemble, d’où cette notion de respect.
SaphirNews : Y’a-t’il eu des moments forts, positifs ou négatifs ?
Marc Cheb Sun : Surtout beaucoup de belles rencontres ! Un journal, c’est comme une histoire de vie. Malheureusement il y a des réussites et des échecs. On arrive à en tirer des leçons. Dix années c’est une tranche de vie ! Dans notre équipe, il y a des personnes de parcours et de générations différentes, allant de 18 à 80 ans. Elles sont toutes venues partager leurs mémoires avec nous. Et pourtant elles n’avaient rien avoir avec le milieu de la presse et c’est cela la clé de la réussite ! Mixité tout azimut. C’est ce mélange qui a permis de s’en sortir. Les échecs tiennent au fait qu’on avait un peu trop l’illusion de transformer la société de l’intérieur. C’est un échec cruel ! Ces dix dernières années la France s’est beaucoup crispée, surtout face aux problèmes d’immigration et de religion, notamment face à l’Islam. C’est un échec car c’est bien pire qu’il y a dix ans.
SaphirNews : Les mots diversité, multiethnique, mixité, ont-ils changé, évolué ?
Marc Cheb Sun : Dans notre société, le mot diversité est vidé de son sens, mais pas dans notre magazine. Nous lui avons donné un véritable sens, dans la mesure où ce n’est pas de la poudre aux yeux, mais bien une réalité et un combat que nous menons depuis toujours. Le plus grand échec politique, c’est de ne pas s’être emparé de cette notion, qui a un pouvoir extraordinaire. Dans notre équipe, comme chez nos lecteurs, il y a une réelle mixité qui se révèle être très positive dans le sens où elle crée une confrontation d’idées. Elle fait évoluer les mentalités et c’est ce que l’on recherche à Respect Mag.
SaphirNews : Finalement depuis ces dix dernières années, la France multiculturelle, un rêve ou une réalité ?
Marc Cheb Sun : La réponse la plus terrible : il n’y a toujours pas de réponse ! Nous pouvons dire que c’est une réalité en soi, grâce à l’Histoire de France qui est multiculturelle. Donc oui, elle l’est de part ses origines. Mais d’un autre sens, elle ne l’est pas car il y a un problème d’accès à certaines forces de représentation. On en fait une question tellement importante, que nous n’arrivons pas à être multiculturels. La République devrait se nourrir de tous les apports qui lui sont venus d’autres cultures et civilisations. Plutôt que d’assimiler, il vaudrait mieux échanger. Au jour d’aujourd’hui, cela transparait peu dans la politique. Il y encore beaucoup de Français qui font vivre ce multiculturalisme, mais encore très peu en politique.